Portraits de 4 familles qui font l’école à la maison

Rédigé le 07/04/2021
Glupz Redac Chef


 

Si la force d’organisation des parents qui effectuent l’école à la maison était saluée lors du premier confinement, depuis le 03 octobre 2020, l’image de l’école à la maison a mauvaise presse. En effet, le gouvernement a fait le souhait de rendre l’école à la maison une « exception » et sous réserve d’acceptation de l’Etat. La raison ? L’instruction à domicile serait une manière déguisée d’endoctrinement des enfants, de maltraitance allant même jusqu’à parler d’une négation des « droits de l’enfant » et de « l’intérêt supérieur de l’enfant ». Mais qui sont les parents qui font le choix d’instruire leurs enfants ? Nous sommes allés à la rencontre de 4 familles qui font l’IEF, qui signifie l’instruction en famille, terme qui correspond plus à l’état d’esprit des personnes choisissant d’instruire leurs enfants.

 

Orlane, mère pratiquant l’IEF depuis 7 ans

Je pratique l’instruction en famille en France avec ma fille de 10 ans et ma fille de 7 ans. Leur petit frère de 10 mois prendra le même chemin vers ce mode d’instruction. Je suis mère au foyer. Je suis celle qui organise l’instruction des enfants en majorité.

Pourquoi avez-vous choisi ce mode d’instruction ?

Initialement, j’avais toujours pensé à l’instruction à domicile pour mes enfants. Mon mari et moi-même en discutions dans les premières années de mon aînée. En tant qu’enseignant remplaçant pour l’éducation nationale, il devait être en déplacement chaque année. Puis, il s’est avéré que notre fille a été diagnostiquée avec de « gros retards » vers l’âge de trois ans. C’est à ce moment-là que nous avons pris notre décision de l’instruire en famille. Notre cadette, se retrouve très bien dans ce mode d’instruction. Au gré des déménagements, nos enfants gardent une constante et un équilibre.

Que faites-vous pour les instruire ?

Nous savons que l’enfant est curieux par nature, alors nous ne freinons pas cette curiosité. Nous faisons en sorte de mettre du matériel, des livres à leur disposition. Bien sûr, nous organisons des « leçons », avec des cahiers, des classeurs sur un modèle plus scolaire.

Vos enfants pratiquent-ils des activités en dehors de l’instruction que vous leur donnez ?

Bien sûr, chez nous c’est art et sport obligatoire pour tous. Nos filles font de la danse classique et contemporaine, de la gymnastique, de l’art plastique en atelier et elles suivent des cours de musique au conservatoire. Mais bien sur le COVID-19 a mis un frein total sur les activités.

Fréquentent-ils d’autres enfants ?

Oui, durant les activités, lors de rencontres entre familles qui pratiquent l’IEF dans la région, lors de nos sorties au parc, lorsque nous allons à la piscine, mais également lorsque nous allons à l’église. Mon mari est Bouddhiste et je suis catholique, nous les élevons dans la tolérance des croyances de chacun.

En tant que parents ayant choisi d’instruire vos enfants avez-vous reçu de l’aide, des compliments ou au contraire, des embuches dans votre volonté d’instruire vos enfants à domicile ?

J’ai pu trouver beaucoup d’aides grâce aux associations qui nous aident dans nos démarches car le gouvernement ne donne pas vraiment d’informations sur les démarches à effectuer lorsque l’on souhaite sortir du « rang ». Mais également à tous les réseaux de familles IEF qui nous permettent de faire des rencontres, de programmer des sorties. Concernant les embûches, je dirais que c’est surtout les gens qui se permettent des remarques devant les enfants ou non, comme « ils n’ont pas d’amis. », « Tu n’es pas maîtresse, donc ils ne peuvent pas apprendre. », « Ils n’auront jamais de diplôme. », « Ils n’arriverons jamais à s’intégrer dans la société. ».

C’est toujours des remarques sans fondements, que les gens se plaisent à balancer pour critiquer notre volonté de prendre en main l’éducation de nos enfants.

Quelles sont les valeurs que prône votre éducation ?

Nous éduquons nos enfants dans la tolérance. Nous avons une vision familial traditionnelle, nous formons ensemble un pilier. A la base de ce pilier, l’éducation joue un grand rôle. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité la prendre en main.

Que permet l’instruction en famille selon vous ?

Pour moi, l’instruction en famille permet de sortir du déterminisme, d’un certain schéma. En tant que parents pratiquants l’IEF on nous stigmatise et on stigmatise nos enfants. L’Etat stigmatise nos enfants. Ma fille de 10 ans, reconnue handicapée, ne peut pas se focaliser plus de 5 minutes sur un exercice « scolaire ». Par contre, lorsqu’il s’agit de dessiner, son esprit se libère. Elle peut rester à dessiner des heures. Elle souhaiterait intégrer les Beaux-Arts. Dessiner c’est sa passion. L’école ne laisse pas la place à l’expression de sa passion au quotidien.

 

Thomas, papa IEF depuis toujours

Mon épouse et moi-même pratiquons l’instruction en famille en France avec nos deux fils de 6 ans et 2 ans ½. Nous travaillons tous les deux. Ma femme travaille en freelance ce qui lui permet de prendre du temps pour l’instruction de nos enfants. Je réussis toujours à me libérer du temps pour participer activement à leur instruction.

Pourquoi avez-vous choisi ce mode d’instruction ?

A l’origine, c’est ma femme qui m’avait parler de l’instruction en famille. Elle m’en parlait alors que notre fils n’était pas encore né. Puis, nous sommes devenus parents. Je voulais que nos enfants fassent partie intégrante de nos vies et nous de la leur. Nous voulions voyager avec eux, prendre du temps avec eux. Mais également respecter leur rythme, leur personne morale et physique. L’idée de l’instruction en famille s’est mise en place tout naturellement. Nous veillons à ce que cela convienne à chacun de manière régulière.

Que faites-vous pour les instruire ?

Nous leur partageons tout ! Ils ont accès à notre bibliothèque, nous parlons des projets familiaux ensemble afin d’avoir leur avis. Nous faisons des cours « formels » que nous mettons en pratique lorsque nous faisons des activités ou des sorties. Ils ont des activités artistiques, du sport en club ou nous leur apprenons certains sport/activités nous-même comme le tir-à-l ’arc. Nos familles participent également par des cours d’espagnol et d’anglais, dessin, faire des plans d’architecte, du piano…

 

Vos enfants pratiquent-ils des activités en dehors de l’instruction que vous leur donné ?

Mon aîné a déjà pratiqué l’équitation en club, le tennis ainsi que de la danse classique. Il a été très déçu de devoir tout arrêté lors de crise de la COVID-19. Pour le petit, nous verrons l’année prochaine.

Fréquent-ils d’autres enfants ?

En dehors de la crise de la COVID-19, ils passent entre 12h et 18h avec d’autres enfants, qui pratiquent l’IEF ou non, que cela soit à la ludothèque, durant les activités, lors de nos sorties, lors des repas entre amis.

En tant que parents ayant choisi d’instruire vos enfants avez-vous reçu de l’aide, des compliments ou au contraire, des embuches dans votre volonté d’instruire vos enfants à domicile ?

Plutôt des mises en garde venant de la famille, par des proches avec des remarques non pertinentes et sans fondements complétées d’une méconnaissance de l’IEF. Concernant une aide, venant de l’état aucune ne nous a été donnée, encore une fois par une méconnaissance de cette pratique. Nous nous sommes donc tournés vers des associations qui nous aident dans nos démarches et surtout à connaître nos droits face à certaines irrégularités et/ou abus de l’état (courrier qui ne respecte pas les délais de la loi, ni les mentions obligatoires, maire qui est hors la loi.)

Quelles sont les valeurs que prône votre éducation ?

L’humilité, nous apprenons à nos enfants, et ils nous apprennent également chaque jour. L’égalité, le partage, la tolérance, la richesse d’avoir une famille, le travail de la terre, l’importance d’apprendre, la lecture, les sciences, la volonté de recherche de la vérité, le respect des êtres vivants et de la nature, les cultures, l’art, les langues (Anglais, Espagnol, Chinois, Coréen, Japonais…), la cuisine…

Que permet l’instruction en famille selon vous ?

L’instruction en famille permet de prendre en main l’éducation de son enfant réellement. L’accompagner dans son apprentissage, sans jugement, sans aspect négatif dans le fait d’apprendre. Quand nous voyons une difficulté, nous le notons dans notre journal d’apprentissage. Cela nous permet de savoir ce que notre enfant a acquis, ce qui est difficile pour lui… Cela permet aussi de voyager, nous ne sommes pas « richissime » mais nous souhaitons faire voyager nos enfants car c’est pour nous une chance de pouvoir leur faire rencontrer d’autres cultures. L’instruction en famille réduit des inégalités, car nous souhaitons donner une éducation à nos enfants multiculturelles.

 

Aude, maman IEF depuis mars 2020

Nous sommes parents de 3 enfants deux garçons de 7 et 5 ans ainsi qu’une petite fille de 2 ans. Nous vivons au Portugal.

Pourquoi avez-vous choisi ce mode d’instruction ?

Nous avons choisi de sortir notre fils de l’école avant les confinements dus au COVID. Nous ne souhaitions pas qu’ils subissent les restrictions sanitaires. Nous pensons que cette situation va persister.

Que faites-vous pour les instruire ?

Nous faisons des cours de manière « formelle ». Puis, nous formons des ateliers avec des parents qui font également l’instruction IEF en UNSCHOOLING avec lesquelles nous faisons des ateliers ou des activités en groupe.

Vos enfants pratiquent-ils des activités en dehors de l’instruction que vous leur donné ?

Oui, ils sont en Forest School (Ecole de la forêt) deux jours par semaine. Nous pratiquons des activités avec d’autres familles qui font l’instruction en famille. Mon mari leur donne des cours de musique et d’informatique. Ma famille participe également à leur éducation à travers des ateliers en ligne avec eux, éducation civique par ma mère, ma tante qui leur apprend les alphas… En dehors de la pandémie, ils font également du squash, du football et de l’escalade.

Fréquent-ils d’autres enfants ?

Oui, ils fréquentent d’autres enfants dans leur Forest School, lors des ateliers, lors de sorties, lorsque nous allons faire la fête sur la plage avec leurs copains.

En tant que parents ayant choisi d’instruire vos enfants avez-vous reçu de l’aide, des compliments ou au contraire, des embuches dans votre volonté d’instruire vos enfants à domicile ?

Nous avons été très soutenus dans notre secteur proche et par la communauté locale (Portugal). Certains membres de nos familles qui sont très accès sur la réussite « visible », nous ont beaucoup questionné avec plus ou moins de bienveillance. Mais certains membres de notre famille s’investissent dans l’éducation de nos enfants. Cela créer également une relation différente avec d’autres adultes.

Quelles sont les valeurs que prône votre éducation ?

Nous sommes dans la bienveillance. Au-delà de TES valeurs familiales et de TES intérêts personnels ce qui compte c’est que l’enfant y trouve son compte dans le respect de ces droits fondamentaux, le droit à l’éducation pour participer à la société plus tard. Le droit aux respects de son corps de ses décisions, ses valeurs et ses choix.

Que permet l’instruction en famille selon vous ?

Bien que notre choix ait été contraint en raison de la COVID-19, nous avons quitté le privé pour notre aîné. En s’informant, je me suis rendue compte que l’aventure et la philosophie de l’IEF correspondaient à mon état d’esprit. Je ne trouvais jamais d’écoles qui répondaient parfaitement à ce que je voulais. La relation enfant/adulte qui me déplaisait, la notion d’apprentissages « utiles ». Avec l’IEF, on apprend la persévérance, se relever après un échec, développer son autonomie et sa soif de connaissance.

 

Hiesta, maman IEF depuis 2020, élevée elle-même en instruction en famille

Après une scolarisation partielle de mon aîné lorsqu’il avait 3 ans. L’Education Nationale a souhaité imposer des journées complètes à mon enfant alors qu’il présentait des difficultés à se réveiller tôt le matin. Maman de deux enfants de 5 ans et 3 ans, j'ai moi-même été instruit en famille.

Pourquoi avez-vous choisi ce mode d’instruction ?

Parce que le rythme pour mon enfant est beaucoup plus adapté ainsi. Il était fatigué l’après-midi. Ce rythme ne lui convenait pas. Depuis qu’il fait l’instruction en famille, il est en forme pour toute la journée. C’est un rythme qui lui convient mieux. De plus, nous souhaiterions pouvoir faire de grands voyages avec eux dans l’avenir.

 

Que faites-vous pour les instruire ?

La majorité des activités sont effectuées par moi, nous faisons du formel et de l’informel. Lorsqu’il s’agit d’activité en ville, c’est plutôt leur père qui s’en occupe. Nous faisons également des activités entre familles, nous nous organisons afin de pouvoir leur organiser des journées entre copains dans chaque famille.

Vos enfants pratiquent-ils des activités en dehors de l’instruction que vous leur donné ?

Nous faisons beaucoup de vélo en famille, mon aîné fait du judo.

Fréquent-ils d’autres enfants ?

Oui, lors de leurs activités sportives et récréatives. Lors de nos sorties médiathèques, lors de nos sorties avec les groupes de parents IEF, au parc ainsi que les enfants de la famille et de nos amis.

En tant que parents ayant choisi d’instruire vos enfants avez-vous reçu de l’aide, des compliments ou au contraire, des embuches dans votre volonté d’instruire vos enfants à domicile ?

Nous avons reçu de l’aide d’association pour la rédaction de nos déclarations types, mais à part cela nous n’avons pas eu d’aides. Nous avons effectivement reçu quelques critiques et des phrases « bateaux » comme « l’école est une chance. ».

Quelles sont les valeurs que prône votre éducation ?

Nous souhaitons respecter le rythme de nos enfants, leurs envies et nous souhaitons servir leurs intérêts. Tout cela dans la bienveillance. Aujourd’hui, les études que nous fournissent les neurosciences prouvent que l’école ne répond pas aux besoins profonds des enfants. Nous souhaitons développer les compétences de nos enfants tout en gardant leur envie d’apprendre.

Que permet l’instruction en famille selon vous ?

Elle permet d’accompagner les enfants dans leurs apprentissages tout en suivant leur rythme et le développement de leur cerveau. Aujourd’hui, l’école ne s’adapte toujours pas aux besoins des petits êtres humains, en dépit de l’avancée des neurosciences sur le développement et l’apprentissage des enfants. A titre personnel, je pense que l’école c’est bien pour les enfants qui s’y adaptent, ma nièce trouve son équilibre à l’école, mon fils non. Tous les enfants sont différents, l’ief permet de répondre aux besoins des enfants pour qui l’école ne « va pas ».

 

 

Ces portraits montrent que les familles qui pratiquent l’IEF sont très différentes. Elles prônent une volonté de respect de l’enfant, de son intégrité physique et mentale. Le choix de l’instruction est un droit constitutionnel de la société Française. Le 16 mars 2021, l'article 21 de la loi "confortant les principes de la République" a été réécrit par le Sénat supprimant le régime de d'autorisation de l'Etat. Mais les familles restent vigilantes face aux nouveaux éléments portés au texte.

En effet, dans l'état actuel des choses, les contrôles effectifs sur l’instruction en famille servent aujourd’hui à limiter les dérives. Rappelons-le, la loi actuelle soumet les familles à une obligation de déclaration à la mairie et à l’inspection académique. Ces familles subissent des contrôles à leur domicile par la mairie tous les 2 ans, ainsi que des contrôles de connaissances par des inspecteurs académiques tous les ans. Si le premier contrôle n’est pas concluant, un deuxième est organisé. Si ce dernier n’est toujours pas concluant, les parents ont 15 jours pour inscrire leur enfant dans un établissement public ou privée. Il existe des familles qui ne déclarent pas leurs enfants, ni se soumettent aux contrôles, ces familles sont hors-la-loi en vertu de la loi actuelle qui régit l’IEF en France.

Les familles qui déclarent leurs enfants en IEF, ne bénéficient d’aucunes aides de l’Etat pour faire valoir leur droit. Bien que dans certaines familles, les deux parents travaillent (et "cotisent") les familles en IEF ne bénéficie pas de l’ARS (Aide à la Rentrée Scolaire) dont doivent bénéficier tous les enfants à partir de 6 ans. Le 30 mars prochain, la loi confortant les principes républicains sera proposée à l’Assemblée Nationale. Iront-ils vers un réel accompagnement des familles dans leur choix éducatif ou feront-ils le choix de plus de contrôle ? Il est bon de rappeler quelques personnalités françaises qui ont été instruit en famille tel que Jean d'Ormesson, Marguerite Youcenar (première femme académicienne), Pierre et Marie Curie (qui ont instruis leurs enfants également)...la diversité éducative est une chance, ne serait-il pas bon de la cultiver ?